LE MONACHISME vs. LA SCOLASTIQUE

Extraits d'une conférence  donnée aux Amis de Mt. Saviour le 2 février, 1997 par le Frère Pierre.

Dans ma jeunesse, j'étais fasciné par la notion d'objectivité.  Etant le plus jeune de la famille (8 enfants), je pouvais voir les erreurs et les succès de mes frères et soeurs.  J'étais un arbitre de hockey durant mes années de collège.  La vie monastique signifiait pour moi un équilibre pour le corps, l'âme et l'esprit (correspondant aux dimensions physiques, psychologiques et spirituelles de la vie).  Très tôt, je me suis intéressé à l'histoire de la spiritualité.  Durant mes lectures, je me demandais: "Comment les gens cherchent Dieu à travers les siècles?"  J'ai reconnu deux méthodes que nous nommons: le monachisme et la scolastique.

Jusqu'au 4ième siècle, la Chrétienté luttait pour sa survie à travers les persécutions, les hérésies et cherchait son identité.  Quand la pratique de la foi chrétienne est devenue plus facile avec Constantin (288-337), le monachisme se développe; des chrétiens fervents se rassemblent auprès d'un maitre spirituel ou s'en vont dans des endroits éloignés pour éviter la "corruption".  L'Eglise se compromettait avec le gouvernement et la société.  Des chrétiens ont pris des moyens radicaux pour "sauver leur âme".

FORMATION: Un saint homme recevait des candidats qui demandaient la question clasique: "Que dois-je faire pour être sauvé?"  Le saint homme leur donnait une réponse appropriée.  Une fois, l'un d'eux a eu une réponse étonnante:  "Arrose le manche de balai."  L'histoire nous dit que le moine avait confiance en l'Abbé et suivit son conseil.  Après quelque temps, le manche de balai a fleuri.  Plusieurs histoires des Pères du Désert ont un message profond malgré leur recommandations surprenantes.  

BUT:  Le but de ces moines d'antan était la pureté du coeur.  La conversion ou le fait de se tourner du péché pour retourner vers Dieu garantissait la promesse des Béatitudes..."car ils verront Dieu."

CONDITION NECESSAIRE:  Aucune conditon sociale n'était requise pour participer à cette recherche. La grâce et la foi en la Trinité rendaient le cheminement possible.

MOYENS:  La lecture de la bible et des psaumes dans un contexte liturgique et les admonitions de l'Abbé procuraient la substance necessaire pour leur réflection et contemplation.

FORME:  La poésie des textes, embellis par la musique, touchaient leur coeur et augmentait leur désir de rencontrer Dieu dans sa gloire ainsi que dit le psalmist:  "Jai soif de Dieu, le Dieu vivant.  Quand serais-je avec lui, face à face?"  Nous pensons alors à une expeérience de Dieu.

RESULTAT:  La plupart des moines d'autrefois possédaient ainsi une intégration entre la théologie, la spiritualité et la culture.

Monachisme Scolastique
FORMATION Abbé Maitre
BUT Pureté du coeur Vérité
MOYENS Bible, psaumes Logique, syllogisme
CONDITION Grace (foi) Cerveau
FORME Désir, expérience Science, recherche
RESULTAT Intégration Ecrits, livres

Au 11ième siècle, les monastères se réforment.  L'Eglise, en général, est troublée par un manque de discipline, par un bseoin de clarification dans sa doctrine, par les superstitions et un mouvement de réforme.  Le besoin d'un enseignement clair était évident.  En retournant aux auteurs classiques (Grecs et Latins), une nouvelle façon de penser apparût.  Les universités se multiplièrent et la scolastique devint la nouvelle manière d'apprendre.

FORMATION:  Les hommes érudits (en ce temps-là, les hommes avaient le monopole de l'éducation) étaient les maitres, très semblables à nos professeurs actuels.  Si on leur demandait: "Que dois-je faire pour être sauvé?" Ils ne pouvaient pas répondre: "Arrose la manche de balai."  Ils perdraient leur emploi.  Une réponse plus appopriée suggèrerait de suivre la "voie purgative, illuminative et unitive".

BUT:  La recherche de la vérité motivaient les étudiants.

MOYENS:  La logique avec ses syllogismes et la philosophie grecque sont les outils de leur recherche.  Les Pères de l'Eglise avec leur allégories sont une autres source.

CONDITION NECESSAIRE:  Avec peu de livres à leur disposition, un excellent cerveau était essentiel pour utiliser leur connaissance durant les discussions.

FORME:  La méthode scientifique ou le raisonnement avec des faits était en évidence.  Les lettres et les sermons de St-Bernard nous renseignent sur les sujets de controverse.

RESULTAT:  Ils pouvaient ainsi argumenter leur cause, écrire des disssertations, des déclarations, des encycliques et des livres.


Oû en sommes-nous vis-à-vis ces deux mouvements, aujourd'hui?  Nous sommes profondément influencés par la scolastique.  Les moines contemporains essayent de s'adapter à ces deux façons d'agir et de penser.  Le monachisme s'adresse au coeur alors que la scolastique s'adresse plutot au cerveau.  Voici une liste de quelques éléments que l'on retrouve dans chaque groupe (sans ordre d'importance).

COEUR CERVEAU
Détachement Argument
Générosité Calcul
Service Spéculation
Persévérance Fatigue
Cherche la

volonté de Dieu

un emploi
Amour universel Spécialité
Foi Evidence
Pauvreté Prédication
Renouveau Renaissance
Altruiste Egocentrique
Béatitudes Commandemants
Rite oriental Rite romain

 Le moine, dans l'humilité, se détache non seulement des biens matériels, mais aussi des idées puisque le seul absolu est Dieu.  Le savant peut argumenter ses théories jusqu'à ce qu'il soit prouvé dans l'erreur.  Le coeur est généreux par nature.  Il ne cesse de battre sans répis alors que le cerveau nous rappelle que nous avons atteint nos 8 heures de besogne.  Par amour, le moine est à "l'école du service du Seigneur".  L'école moderne est orientée vers la spéculation et l'apprentissage.  La stabilité du moine le fait persévérer même dans la routine des travaux quotidiens grâce à une attitude d'espérance.  L'homme de science se voit souvent dans une impasse durant ses recherches.  Le moine vit pour connaitre la volonté de Dieu tandis que l'étudiant doit se trouver un emploi à la fin.  Par son célibat, le moine tend vers un amour unversel: près de la nature et acceuillant envers tous.  Nos écoles enseignent des spécialisations avec le danger de fragmenter les individus.  La vraie foi est une expérience de Dieu.  L'évidences des faits et gestes est à la base de la méthode scientifique.  Pour les Franciscains, la pauvreté était leur moyen de témoigner leur foi; les Dominicains ont choisi la prédication.  Le renouvellement des moines consistait à retourner aux sources (simplicité).  Grâce à la scolastique, la renaissance révélait une nouvelle conpréhension de la nature humaine.  Michelange présente ses hommes comme des géants bien musclés avec beaucoup de potentiel entre leurs jambes.  Ses dames sont en santé et semblent produire beaucoup de lait.  Qellle différence quand nous regardons les peintures de El Greco avec des corps allongés, des visages mystiques hors de ce monde oû le sexe semble presqu'indifférent. La vie monastique est altruiste (vie de partage).  Les années d'études sont plus personnelles pour atteindre les meilleures notes (diplôme).  La statue de David à Florence représente un peu ce succès de l'individu; il semble dire:  "Me voici!"  La pratique des Béatitudes est plus attrayante aux moines; c'est un appel pour une réponse qualitative plutôt que quantitative.  Les commandements sont plus précis (comme la dime pour les besoins de l'Eglise).  L'Eglise romaine avec ses structures et son droit canon se place facilement dans le camp scolastique.  L'Eglise orientale montre plus d'émotions dans sa liturgie parce que sa perspective vient surtout du coeur.

Comment voit-on tous ces éléments dans nos monastères contemporains?  Nous ne pouvons pas oublier l'évolution des siècles.  Nous avons été formés par la méthode scientifique.  J'imagine le dialogue suivant si un Abbé suggère de'arroser la manche de balai:

Postulant:  Pardon?
Abbé:  Arrose le manche de balai.
Postulant:  Vous blaguez?
Abbé:  Arrose le manche de balai.
Postulant:  Bien!  Quel bout dois-je arroser?

Un tel scepticisme n'est pas surprenant parce que ce n'est pas "raisonable".  Nos Abbés ne prétendent pas avoir toutes les réponses. En plusieurs endroits, la vie elle-même est le facteur principal de la formation avec des "tuteurs" pour offrir l'instruction nécessaire selon les besoins  et les connaissances de l'individu.  A Mount Saviour, la liturgie a une place évidente avec sept temps de prières à la chapelle.  Ce moyen d'apprendre oû nous nous situons dans l'histoire du salut devient plus personel durant la "lectio divina" (lecture méditative).  Une des conditons requises est un certain degré de maturité venant d'une situation de travail.  Le but est de "vraiment chercher Dieu".  Nous essayons de maintenir une attitude de priére dans tout ce que nous faisons.  La Liturgie des Heures est un rappel ou un point de référence comme les temps forts d'une ligne musicale.  La musique ne s'arrête pas avec le temps fort; semplable est notre prière.  Notre vie est formée par une anthropologie qui s'adresse au corps qui est près de la nature et qui se sert des sciences dans le travail manuel, à l'âme qui a soif de connaissance et à l'esprit comme moyen de communication dans la prière.

Le résultat de nos efforts est la pratique du commandement d'aimer:  "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur...et le prochain comme toi-même.  Par notre engagement à chercher Dieu, par notre prière et notre foi en ses mystères, nous cherchons la gloire de Dieu.  Par l'entre-ainde mutuelle, le moine exercee un rôle social.  L'examen et l'appréciation de ses propres talents (connaissance de soi) facilitent ses rapports entre Dieu et son prochain.  Il demeure humain et interdependant pour "pour accepter patiemment les infitmités des uns et des autres. (St-Benoit).

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